« Trop classe ton presse-agrumes ! Tu l’as acheté où ? » Dans sa cuisine, Aurélie sourit de toutes ses dents : « Je l’ai acheté chez Vous Monsieur. » « Chez qui ? » demande son amie. « Vous Monsieur, un concept store de produits coquins de luxe. Parce que tu vois, ce presse-citron, c’est aussi un Plug anal ! » Shocking ?
Aurélie, n’a pas acheté cet accessoire dans un but sexuel. « J’ai trouvé cet objet en verre soufflé très beau, très design. Moi, je l’utilise comme un presse-citron mais cet effet trompe-l’œil me fait rire, tout comme l’idée de savoir qu’il peut procurer un tout autre plaisir » explique-t-elle avec malice.
Voilà tout l’enjeu des objets érotiques en 2022. Désormais, on apprécie leur fonction détournée et leur esthétique. Une montée en gamme commencée il y a un peu plus d’une dizaine d’années lorsqu’ils sortent de l’univers des sex-shops, jugés socialement vulgaires, pour intégrer concept stores luxueux et lifestyle.
Ce repositionnement social et artistique du jouet érotique fait même l’objet de recherches universitaires. En 2010, Claire Azéma, maître de conférences en arts appliqués à l’université Bordeaux 3 lui consacre, avec Stéphanie Cardoso et Marc Monjou, une longue étude, « Emergences du design et complexité sémantique des sex-toys », où l’on peut lire que « le phallus devenu un artefact hypertechnologique ou bien un objet habillé d’une iconographie issue d’un bestiaire, évince le registre pornographique et profite d’une apparence ludique et raffinée ».
Ce changement de paradigme, l’américaine Ti Chang, designer diplômée du Royal College of Art et co fondatrice de la marque Crave, l’assume, elle, en militante :
« Aucune femme n’a jamais désiré le genre de sex-toy en forme d’énorme bite réaliste. L’industrie a longtemps été dominée par une vision masculine du plaisir féminin, aujourd’hui c’est terminé. »
Et cette démocratisation tous azimuts entraîne naturemment un nouveau positionnement. Exit le sexe géant grotesque mais aussi le coin-coin aux oreilles de lapin… Dans un effet de revalorisation qui englobe à la fois sa fonction, son aspect et sa dimension intellectuelle, le jouet érotique a migré du tiroir fermé de la chambre à coucher à l’étagère exposée du salon.
« Le sex-toy, c’est la dernière frontière inexplorée en matière de design, le seul secteur où tu peux créer des produits aussi pointus que dans le milieu du luxe. Le challenge est très excitant car chaque corps est différent », précise le designer londonien Duncan Turner, dont les créations marient intelligence artificielle, formes douces et matières reproduisant la sensation de l’épiderme.
Des produits devenus « des objets de déco au même titre qu’un beau vase, une belle sculpture ou un bijou », affirme la photographe Gabrielle, cofondatrice avec son mari du concept store Vous Monsieur, proposant des objets érotiques luxueux, tous réalisés par des créateurs triés sur le volet. « Il y a dans notre pays des artisans passionnés qui ont développé un véritable savoir-faire pour réinventer l’univers du plaisir en créant des pièces qui reflètent l’excellence et la passion à la française », ajoute t-elle.
Outre le fameux « Presse-agrume-plug anal », cité plus haut, en verre massif sculpté à la main par Tipii Atelier (145 €), dont « la forme conique facilite une insertion facile et en douceur, et qui peut être plongé quelques minutes dans l’eau chaude pour un effet ardent, ou placé quelques instants dans le congélateur pour une sensation plus mordante », lit-on sur le site web, on appréciera l’esthétique du vase Dildo, posé sur son socle en béton.
En verre soufflé à la main par Thomas Ségaud dans son atelier d’art parisien, l’objet est vendu dans un coffret noir luxueux (280 €), et se sépare de sa base pour devenir un godemiché en un tour de main. La boutique propose aussi de beaux livres, des jouets avec des paillettes d’or, des assiettes #pornfood en porcelaine de Limoges, ou les carnets de punition et de mots doux d’une petite papeterie de Rouen…
Ces accessoires érotiques haut de gamme sont loin d’être des exceptions. La concurrence est devenue rude dans le secteur. Considérée comme l’« Apple des sex-toys », la marque Lelo compte aussi un impressionnant catalogue d’articles de belle facture avec des petits objets high-tech colorés et fun, mais aussi de véritables œuvres d’art – à pratiquer ou non – pour collectionneurs. Tel Inez, phallus sculpté pour cibler le point G en version or 24 carats et qui coûte la bagatelle de 15 000 €. Mais le design et le style ne sont pas tout.
La robotique gagne aussi du terrain. En 2019, la marque Lora DiCarlo a ainsi remporté un Robotics Innovation Award au prestigieux salon technologique CES avec son sex-toy doté d’une technologie microrobotique qui imite les mouvements humains. Visuellement, ces inventions peuvent être confondues avec des stylos ou un rouge à lèvre et se rechargent par l’intermédiaire d’un simple port USB.
Montée en gamme, high-tech et objets dégenrés. Voici venu le temps d’éliminer toute référence sexuelle afin que l’objet soit à la fois beau et fonctionnel. Dans le sillage des grands noms du design comme Tom Dixon ou Matali Crasset qui imaginaient déjà en 2008 le « 8e ciel », un « Love Toy » aux formes arrondies, coloré, féminin et contemporain. En 2022, c’est la course à « devine, petit coquin, ce que je suis et à quoi je sers ».
Ainsi cette lampe signée Matteo Cibic, qui cache en son pied un sex-toy, ou encore la marque Biird qui mixe un stimulateur clitoridien avec une lampe pour le poser sur sa table de chevet. Le studio de design espagnol Discoh a de son côté imaginé le sex-toy Aloe aux formes gracieuses inspirées de la plante Aloe Vera. Impossible, au premier regard, de deviner sa fonction. Pas étonnant non plus le succès sur les réseaux sociaux du fameux « bijou » Vesper, un élégant vibrommasseur-pendentif, disponible en plaqué argent, or rose ou or 24 carats.
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Parmi les « joujous » un peu fous, on peut également citer le « Grandfathers Clock », que l’on remonte avec une petite clé et qui rappelle le mécanisme apparent des horloges suisse, signé du designer Bastiaan Buijs. Avec son esthétique du plus bel effet, il est destiné à être exposé fièrement et non planqué derrière l’oreiller, une manière pour son créateur d’éradiquer tout sentiment de honte et de « normaliser par la beauté ».
Et puis, le sex-toy n’étant pas qu’une affaire de femmes, pointons la famille 3D, de la marque japonaise Tenga avec ses « masturbateurs » masculins présentés sous la forme de sculptures géométriques minimalistes que l’on peut poser ni vu ni connu à côté de la télé. D’une grande efficacité au vu des centaines de milliers d’exemplaires déjà écoulés.
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