Face à la Chine, les fabricants de masques manquent d’air : les entreprises angevines résistent

C’est l’histoire d’une filière industrielle créée ex nihilo à l’aune d’une crise sanitaire mondiale. Lorsque le Covid-19 débarque en France, début 2020, la PME angevine Kolmi-Hopen a le quasi-monopole de la fabrication de masques chirurgicaux dans l’Hexagone. Elle détient les trois quarts d’un marché partagé avec une poignée de concurrents historiques. Leur capacité de production devient vite insuffisante au regard de besoins décuplés, ouvrant la porte à des importations massives.

Le 31 mars, depuis l’usine de Saint-Barthélemy-d’Anjou, le Président Emmanuel Macron lance un appel à produire davantage en France, sur notre sol. Dans cette bataille pour la souveraineté nationale, Kolmi-Hopen est en première ligne. En quelques semaines, sa production passe de 1,5 million à 3,5 millions de masques par jour. L’effectif augmente de 50 % pour permettre au site de travailler sept jours sur sept, jour et nuit. Et, dès le mois de juillet, une seconde usine ouvre à Beaucouzé. En express.

Un an et demi plus tard, la donne s’est inversée. Face à la baisse de la demande et l’apparition d’une trentaine de nouveaux fabricants, cette filiale du groupe Medicom a dû se séparer de 70 salariés sur les 180 qu’elle employait lors de son pic d’activité. Plus de 2 millions de masques sortent encore quotidiennement de ses lignes, sous l’effet de la cinquième vague. Un sursis avant un déclin inexorable, dans un contexte où il y a clairement trop de monde par rapport à la demande, selon son PDG Gérald Heuliez.

« On a fait un gros sacrifice, il faut nous rendre la pareille »

Le leader angevin a les reins solides. Mais d’autres acteurs sont au bord de l’asphyxie, à tel point que le président du syndicat français des fabricants de masques, Christian Curel, exhorte l’État à réagir. Aujourd’hui, 97,5 % des appels d’offres publics sont affectés à l’achat de masques chinois, alertait-il le 24 novembre dans le Journal des Entreprises. Il faut recentrer les critères de sélection sur la qualité, la sécurité d’approvisionnement et l’aspect environnemental, plutôt que sur l’unique critère de prix, ajoutait-il, car si les choses ne changent pas d’ici l’été, il n’y aura plus de filière française.

Face à la Chine, les fabricants de masques manquent d’air : les entreprises angevines résistent

Une vision du donnant-donnant partagée en partie par Gérald Heuliez. Les trois mois durant lesquels la production de Kolmi-Hopen a été réquisitionnée par l’État, au printemps 2020, ont empêché l’entreprise de livrer ses clients internationaux. Depuis, on continue de souffrir de ce fil qui a été coupé, pointe le dirigeant, espérant que les gens qui gèrent les appels d’offres ont conscience qu’on a fait un gros sacrifice et qu’il faut nous rendre la pareille.

Le patron constate en effet que bon nombre de petits appels d’offres, comme l’armée ou les pompiers, ont fait des choix curieux avec des produits importés d’Asie. Pour autant, ce n’est pas avec ces volumes qu’on sauverait la filière masques, nuance-t-il, lucide. Quant à l’État, il ne va pas acheter des masques pour acheter des masques ! Non, le problème est ailleurs, à commencer par le prix.

« Les Chinois sont dans une logique de casser complètement le marché »

Arrivée sur le marché des masques chirurgicaux en avril 2020, AppCell a tout de suite identifié le prix comme la problématique majeure. La société de Beaucouzé (25 salariés, 3 M€ de chiffre d’affaires), spécialisée dans la transformation de matières, a voulu chambouler l’offre grâce à un ingénieux système de prédécoupage en rouleaux. Cette technique inédite lui a permis de fabriquer à grands volumes et à moindre coût pour plus d’un million d’euros de masques, à 0,08 € l’unité.

Mais aujourd’hui, les chinois sont dans une logique de casser complètement le marché avec des prix plus bas qu’avant crise, autour de 0,03 à 0,06 €, pointe Matthieu Billiard, cofondateur d’AppCell et président de la Chambre de commerce et d’industrie de Maine-et-Loire. Un tarif qui ne couvre même pas le prix de la matière brute. Sans prononcer le mot dumping, le dirigeant pointe la naïveté des pouvoirs publics français sur les intentions de Pékin : faire tomber les filières qui se sont créées partout dans le monde pour redevenir le leader planétaire.

Afin de résister à l’offensive chinoise, AppCell vient de déposer un brevet pour un nouveau procédé de fabrication qui doit l’amener à un prix unitaire de 0,05 €. Les premières séries doivent sortir de l’usine début 2022. On est sur une vraie innovation, avec un masque beaucoup plus confortable que les modèles classiques, avance Matthieu Billiard. L’innovation comme porte de sortie. C’est un vrai pari, mais si on était à 15 centimes, ce ne serait même pas la peine d’aller jouer. 

De son côté, Kolmi-Hopen compense ces difficultés en investissant sur ses autres activités. L’entreprise a notamment racheté l’ancien site Arjowiggins, dans la Sarthe, en mai dernier, pour y produire des gants de protection jetables. L’avenir, c’est préparer le fait que les Européens ne vont bientôt plus utiliser de masques, pose Gérald Heuliez, rappelant que cette branche ne représentait que 25 % de son chiffre d’affaires avant la pandémie.

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