"Chaleureuse", "pétillante", "bienveillante", les mêmes termes laudatifs ont tourné ce jeudi aux assises de Paris pour décrire Mireille Knoll, "petit bout de femme douce" de 85 ans et de confession juive, tuée à coups de couteau puis brûlée, le 23 mars 2018, dans son appartement parisien.
Au troisième jour du procès de ses deux meurtriers présumés, Yacine Mihoub, 32 ans, et Alex Carrimbacus, 25 ans, l'ambiance a presque été joyeuse à l'évocation de Mireille Knoll, sa manière si "attachante d'égayer la vie de son entourage" et de voir "la vie tout en rose".
La sienne fut pourtant "une vie singulière traversée de drames", résume le président de la cour. Ses parents d'abord. Son père, tailleur, né en Ukraine et détenteur d'un passeport brésilien parce qu'il avait un temps vécu là-bas. Sa mère, femme au foyer venue de Pologne. Tous deux avaient fui les pogroms et trouvé refuge en France. Née en 1932, l'enfant est heureuse, le "foyer chaleureux", raconte l'enquêtrice de personnalité. Jusqu'en 1941 quand le père, "pressentant un danger imminent" pour les juifs, part en zone libre avec son fils, le frère de Mireille. Une année de séparation douloureuse pour "la petite princesse de la famille". En juillet 1942, Mireille parvient à s'enfuir de Paris avec sa mère, "le jour où elle apprend que la rafle du Vel D'Hiv a lieu", la plus grande arrestation de Juifs dans le pays pendant la Seconde guerre mondiale.
La famille, à nouveau réunie, vivra au Portugal, puis au Canada, avant un retour en France où les parents doivent batailler pour récupérer leur logement dans le Marais à Paris, squatté par le concierge. Puis à 16 ans, "la jolie petite brune coquette et joyeuse" rencontre Kurt, grandi en Autriche et rescapé d'Auschwitz. Une période en camp dont le père ne dira "rien à ses enfants", ce dont "on a énormément souffert", témoigne Daniel Knoll, l'un des fils de Mireille, ému à l'évocation de celle qu'il nomme "un ange".
Mireille fut une "mère très aimante", telle que décrite par l'enquête de personnalité. Elle fut aussi une femme coquette, dynamique et avide de sorties, à l'image de son amie de vingt ans, Renée Jean, au témoignage tout en couleurs. Veste en cuir, créoles dorées et paupières fardées, l'amie de 85 ans évoque les cinémas, les restaurants et puis les virées en voiture avec "Daniel", l'amour de Mireille depuis qu'elle avait 72 ans, rencontré à Venise lors d'un voyage organisé par la Mairie de Paris. Lui aussi était un rescapé des camps de la mort, et son décès en 2017 affecta énormément la vieille dame.
Il est aussi question devant la cour de son respect des traditions et des fêtes juives. Puis des revenus de celle qui ne travailla que très peu de temps, comme garde-malade, et vivait depuis la fin des années 1950 dans un logement social de 55 m² dans l'Est parisien. C'est là que les pompiers ont découvert le corps de la vieille dame malade de Parkinson, poignardé à 11 reprises et en partie calciné.
La question du caractère antisémite de son meurtre est au cœur du procès.Alex Carrimbacus dit avoir été appelé par Yacine Mouhib pour un "plan thunes" pour le rejoindre chez la victime. Le second accuse le premier d'avoir demandé si Mme Knoll était "blindée".
Mireille avait "800 euros de revenus, APL (aide personnalisée au logement) comprise", assure son fils Daniel. "Quand on venait, elle donnait sa carte bleue pour qu'on fasse des petites courses et qu'on retire 30-40 euros". Et d'ajouter, sans un regard pour l'accusé Yacine Mihoub, tête baissée dans le box, celui qu'il nomme "le monstre" : "Il la connaît depuis l'âge de huit ans", sa mère habitant dans le même immeuble que Mme Knoll. "Il sait très bien qu'il n'y a rien à voler chez maman. Je ne comprends pas", lâche le fils.
Évoquant l'incendie du lieu du crime et du corps, il glisse: "Imaginez, le feu, pour nous ça fait penser au camp de concentration". Ses fils comme d'autres avait mis en garde Mireille Knoll contre Yacine Mihoub, incarcéré et condamné à de nombreuses reprises. Mais elle cultivait de l'affection pour celui qui lui avait rendu des petits services. Et surtout, dit son fils, "elle faisait ce qu'elle voulait".
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